Docteur Andrei RADTCHENKO
SCHIZOPHRENIE
Folates et vitamine B12 contre symptômes négatifs dans la schizophrénie Publié le 27/03/2013
On sait que des traitements plus efficaces sont recherchés pour mieux traiter les symptômes négatifs de la schizophrénie, souvent très invalidants, et contre lesquels on reste relativement désarmé. Comme ces symptômes négatifs ont déjà été associés à une réduction des niveaux de folates sanguins, en particulier pour les patients chez lesquels les gènes régulant le métabolisme des folates présentent un fonctionnement génétiquement déficient, ces constats suggèrent l’utilité éventuelle d’un apport thérapeutique en acide folique.
Réalisée aux États-Unis sur 140 patients de 18 à 68 ans (stabilisés mais conservant encore des symptômes négatifs malgré leur traitement neuroleptique), une étude randomisée a évalué l’intérêt de l’apport par voie orale d’acide folique (à la posologie de 2 mg/jour) et de vitamine B12 (400 μg/jour) dans la réduction des symptômes négatifs de la schizophrénie.
Avec ce traitement administré pendant seize semaines, les auteurs remarquent effectivement, comme ils l’espéraient, une «
amélioration significative des symptômes négatifs
» de la schizophrénie, comparativement au groupe de patients sous placebo, quand le génotype concernant l’absorption des folates est pris en considération, mais non lorsqu’on n’en tient pas compte : une interaction est ainsi observée (p = 0,02) entre une certaine variante du gène FOLH1 [1] (rs202676) et l’efficacité du traitement où «
seuls les patients homozygotes pour l’allèle 484 T tirent un bénéfice significativement plus élevé
» avec ce traitement.
Une precription de folates et de vitamine B12 peut donc contribuer à réduire les symptômes négatifs de la schizophrénie, mais cette réponse au traitement est influencée, précisent les auteurs, «
par la variation génétique de l’absorption des folates
», ce qui incite désormais à tenir compte d’une « approche personnalisée » (dimension pharmacogénétique) dans le traitement des symptômes négatifs de la schizophrénie.
[1]
Dr Alain Cohen
Roffman JL et coll.: Randomized multicenter investigation of folate plus vitamin B12 supplementation in schizophrenia. JAMA Psychiatry. 2013., 6 : 1-9. doi: 10.1001/jamapsychiatry.2013.900.
L’âge d’apparition de la schizophrénie est plus précoce en cas de toxicomanie
On sait que le pronostic évolutif de la schizophrénie est d’autant moins favorable que l’apparition de cette psychose est plus précoce. Or l’actuel accroissement mondial des addictions à certaines substances (cannabis, amphétamines, cocaïne) peut susciter une avancée de l’épisode « inaugural » de schizophrénie, donc aggraver son profil évolutif, puisque ces drogues constituent des facteurs de risque avérés en termes de psychopathologie. Ce danger est confirmé à nouveau par une étude réalisée à l’Université d’Australie Occidentale (à Perth) sur une population de 167 patients schizophrènes, répartis en quatre groupes, en fonction de leurs antécédents en matière de toxicomanie durant l’année précédant l’apparition de la symptomatologie psychiatrique :
- Aucune addiction (65 sujets) ;
- Addiction au cannabis : (68 sujets) ;
- Addiction mixte au cannabis et aux amphétamines (25 sujets) ;
- Addiction mixte à la cocaïne et au cannabis ou aux trois drogues associées : cocaïne + cannabis + amphétamines (9 sujets).
Une analyse de variance a été réalisée et un modèle de régression linéaire a évalué comment la consommation de chaque type de drogue peut représenter un facteur prédictif de l’âge d’entrée dans la psychose. Les auteurs observent, à l’entrée (diagnostiquée) dans la schizophrénie, un âge moyen de :
- – 23,34 ans (déviation-standard = 6,91 ans), chez les sujets ne consommant aucune drogue ;
- – 22,51 ans (déviation-standard = 5,27 ans), chez les consommateurs exclusifs de cannabis ;
- – 20,84 ans (déviation-standard = 3,48 ans), chez les sujets consommant à la fois du cannabis et des amphétamines ;
- – et 19,56 ans (déviation-standard = 3,54 ans), en cas d’association simultanée de cocaïne et de cannabis ou des trois substances à la fois (cocaïne + cannabis + amphétamines). Et la variation observée dans ces moyennes se révèle statistiquement significative (p=0,008).
Confirmant donc que les consommations d’amphétamines ou/et de cocaïne aggravent le risque de psychose lié à l’usage du cannabis, en avançant encore (en moyenne de 1,2 ans) l’âge d’apparition des premiers troubles psychiatriques, cette étude rappelle ainsi qu’en matière de drogues également, « un train peut en cacher un autre », car la consommation de cannabis peut préluder à celle de substances ou d’associations encore plus dangereuses.
Dr Alain Cohen
Power BD et coll.: Does accumulating exposure to illicit drugs bring forward the age at onset in schizophrenia? Australian N Z J Psychiatry, 2013; 47: 51–58.
Mortalité des schizophrènes : de Charybde en Scylla
19/07/12
(JIM)
Dr Alain Cohen
On sait que la schizophrénie non traitée augmente le taux de mortalité, en raison du risque de suicide, ou de mise en danger imputable à des troubles du comportement pouvant entraîner un accident. Mais la gestion concrète de cette psychose rappelle la navigation périlleuse dans le détroit de Messine où l'on n'évitait l'écueil de Charybde que pour mieux devoir affronter celui de Scylla ! Archives of General Psychiatrypublie ainsi une étude épidémiologique, réalisée en Finlande et portant sur 2 588 patients hospitalisés dans ce pays entre le 1-01-2000 et le 31-12-2007, en raison d'une schizophrénie. Les auteurs ont cherché à évaluer l'influence des médicaments appartenant aux trois classes thérapeutiques les plus communes en psychiatrie (neuroleptiques, antidépresseurs et anxiolytiques), prescrits seuls ou de manière associée, sur la mortalité des intéressés, en ajustant bien sûr les données aux paramètres susceptibles de retentir en la matière (facteurs sociodémographiques, comorbidités éventuelles, autres traitements actuels ou dans les antécédents, etc.).Contre toute attente, on constate que la prescription de deux ou plusieurs neuroleptiques simultanés n'est pas associée à une augmentation du risque de mortalité, comparativement à une monothérapie classique (Hazard Ratio [HR] : 0,86 ; Intervalle de confiance à 95 % [IC95 %] : 0,51-1,44). Et conformément à leur effet attendu, le recours aux antidépresseurs s'accompagne d'une « nette diminution » de la mortalité par suicide (HR : 0,15 ; IC95 % : 0,03-0,77). En revanche, l'usage de benzodiazépines chez ces patients est associé à une « augmentation significative» de leur mortalité générale (HR : 1,91 ; IC95 % : 1,13-3,22), perceptible tant dans la mortalité non liée à un suicide (HR : 1,60 ; IC95 % : 0,86-2,97) que, surtout, dans la mortalité par suicide (HR : 3,83 ; 1,45-10,12 ; IC 95%). Mais pour dédouaner ces molécules et leurs prescripteurs, on doit préciser que « 91,4 % des intéressés » s'étaient débrouillés, en violation flagrante des recommandations définies, pour acheter et prendre des doses parfois « 28 fois plus élevées» que la posologie préconisée !Ce « détail » incite à bien dissocier la théorie et la pratique, en matière de prescriptions. Les auteurs observent donc que « l'usage des benzodiazépines comporte un risque de mortalité chez les schizophrènes» (lié essentiellement à ce mésusage), contrairement à celui des neuroleptiques ou des antidépresseurs, et ce constat suggère que la prescription (mal surveillée) de cette classe de médicaments doit probablement « contribuer à la mortalité de ces patients» dans les pays (comme les USA) où l'emploi des benzodiazépines est encore plus important qu'en Finlande.
Le gène BCL9, un « bon candidat » en psychiatrie
De récentes études sur les association entre gènes et maladies ont révélé l'implication du phénomène de variabilité (commune ou plus rare) du nombre de copies d'un gène dans le déterminisme de certains troubles mentaux. On a ainsi observé l'existence de rares microdélétions en 1q21.1 en cas de schizophrénie, et le gène BCL9 (également situé en 1q21.1) est considéré comme un facteur de risque dans certains troubles mentaux.Réalisée à Shanghai (Chine) sur un très grand nombre de personnes (4 487 schizophrènes, 1 135 patients bipolaires, 1 135 patients avec troubles dépressifs majeurs et autant de sujets-contrôles), une nouvelle étude confirme que le gène BCL9 constitue « un bon candidat» pour diverses affections psychiatriques, d'autant plus qu'il est situé dans une région (du chromosome 1) touchée par la variabilité du nombre de copies d'un gène, déjà connue comme facteur de risque pour la schizophrénie, et qu'il est impliqué dans la voie de signalisation Wnt (identifiée initialement chez la drosophile). Cette voie Wnt joue un rôle crucial pour le développement et la croissance des cellules dans maints processus, notamment la segmentation embryonnaire du système nerveux central.Dans trois populations indépendantes, et après mise en évidence de dix génotypes de type « single-nucleotide polymorphism» (polymorphisme d'un seul nucléotide), les auteurs retrouvent une « association significative » entre la variabilité du gène BCL9 et la schizophrénie, ainsi qu'une « association modérée » entre les variations de ce même gène et le trouble dépressif majeur. Par contre, son association au trouble bipolaire commun n'apparaît qu'à titre de phénomène « marginal. ».
JIM)
Dr Alain Cohen
Junyan Li & coll. : Common variants in the BCL9 gene conferring risk of schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 2011; 68 : 232-241.
Existe-t-il un facteur parasitaire dans la schizophrénie ?
De nombreux indices révèlent que des infections (reconnues ou occultes) peuvent jouer un rôle dans l'étiologie et la physiopathologie de la schizophrénie. Si l'attention s'est surtout portée jusqu'ici sur des infections survenues dans la période prénatale, des études récentes suggèrent que des infections pendant l'enfance ou l'âge adulte pourraient aussi « augmenter le risque de la maladie et altérer le contexte neuro-anatomique et neuropsychologique ».The American Journal of Psychiatryévoque ainsi le rôle de la toxoplasmose [1], une affection imputée au protozoaire Toxoplasma gondii. Ce parasite est en effet « connu pour perturber le développement cérébral du foetus » et se trouve « associé à la psychose dans de nombreuses études ayant évalué la séropositivité pour cet agent chez des adultes schizophrènes. » Mais la nature de cette relation épidémiologique demeure énigmatique : la parasitose favorise-t-elle (et comment ?) le déclenchement de la schizophrénie, ou cette psychose augmente-t-elle au contraire (et pourquoi ?) la vulnérabilité à la toxoplasmose ?Portant sur une cohorte de 45 609 femmes, une étude prospective réalisée au Danemark [2] confirme en tout cas cette « association positive » entre le Toxoplasma gondii et la schizophrénie : le risque de développer des « troubles de type schizophrénique (schizophrenia spectrum disorders) est multiplié par 1,73 (Risque relatif : 1,73 ; intervalle de confiance à 95 % : 1,12-2,62) lorsque les taux d'anticorps (IgG) contre le parasite sont les plus élevé, par rapport aux sujets dont les taux d'anticorps sont les plus faibles. Et le risque de schizophrénie proprement dite est multiplié par 1,68 (intervalle de confiance à 95 % : 0,77-3,46).Plus généralement, l'intérêt de confirmer la participation d'une composante infectieuse ou parasitaire dans le déterminisme (vraisemblablement poly-factoriel) de la schizophrénie réside bien sûr dans le fait que la prévention et le traitement de cette psychose pourraient bénéficier de ces recherches.1 Brown AS : Further evidence of infectious insults in the pathogenesis and pathophysiology of schizophrenia. Am J Psychiatry 2011 ; 168 : 764-766. 2 Giørtz Pedersen M et coll. : Toxoplasma infection and later development of schizophrenia in mothers.
Am J Psychiatry 2011; 168 : 814-821. 16/09/11 (JIM)
Dr Alain Cohen
30/08/11
Avantage au traitement retard dans la schizophrénie débutante
Les données sur l'efficacité d'une prescription de neuroleptiques au début de la schizophrénie demeurent encore limitées. Portant sur une cohorte de 2 588 patients hospitalisés pour la première fois avec un diagnostic de schizophrénie entre 2000 et 2007, une étude finlandaise a examiné les risques de réhospitalisation et d'arrêt des médicaments et a comparé l'effet des neuroleptiques administrés par voie orale à celui du traitement neuroleptique-retard.Selon cette enquête, la prescription de neuroleptiques s'accompagne d'une « baisse globale de la mortalité», mais moins de 50 % des patients poursuivent leur traitement pendant les deux premiers mois après une première hospitalisation pour schizophrénie. On constate aussi que le choix du traitement affecte le taux de rechute de manière significative : l'administration de neuroleptiques-retard permet d'obtenir un taux de rechute inférieur de 64 % à celui observé avec des neuroleptiques par voie orale. Plus précisément, 58,2 % des patients ont reçu un traitement neuroleptique durant les trente premiers jours après leur sortie de l'hôpital, et 45,7 % [43,7% à 47,6%, intervalle de confiance à 95 %] ont poursuivi ce traitement initial « pendant trente jours ou plus longtemps. » Et dans une comparaison entre les médicaments délivrés per os ou sous forme retard, l'avantage va nettement au traitement neuroleptique-retard : le risque de réhospitalisation chez les schizophrènes recevant un produit retard est en effet « environ le tiers de celui des patients traités par voie orale» [risque relatif ajusté = 0,36 ; 0,17 à 0,75, intervalle de confiance à 95 %].Une claire « directive clinique » se dégage donc de cette étude : comme dans les huit semaines suivant leur sortie de l'hôpital, la majorité des patients n'adhèrent pas à leur traitement per os (en Finlande), il semble ainsi préférable de leur proposer d'emblée un neuroleptique retard, pour réduire les risques de rechute et de réhospitalisation.Tiihonen J et coll. : A nationwide cohort study of oral and depot antipsychotics after first hospitalization for schizophrenia.
(JIM)
Dr Alain Cohen
Am J Psychiatry, 2011; 168-6: 603-609.
ne étude européenne pour trouver l'origine des troubles psychotiques
Une étude européenne dotée d'un budget de 10 millions d'euros, EuxGei, vient de débuter pour identifier les facteurs environnementaux et génétiques en cause dans les troubles psychotiques, rapporte Egora.fr. En France, cette étude va être mise en place dans le Val-de-Marne et le Puy-de-Dôme, sous la direction de la fondation FondaMental, fondation de coopération scientifique créée par le ministère de la Recherche. Elle permettra de comparer notamment l'impact des facteurs génétiques et environnementaux dans des régions aux caractéristiques très différentes. La schizophrénie et les troubles psychotiques font partie des pathologies mentales les plus coûteuses et les plus mystérieuses. "Elles sont non seulement responsables d'un coût sociétal considérable, mais surtout d'une terrible souffrance infligée aux patients et à leurs proches", souligne la fondation. L'objectif est donc d'en trouver les causes. Jusqu'à maintenant, les études ont déjà démontré un lien entre la vulnérabilité à la schizophrénie et les facteurs génétiques et environnementaux. Une hypothèse que les chercheurs et cliniciens européens vont tenter de préciser via ce projet. Plus de 7 500 patients et leurs familles devraient y participer.
La schizophrénie, une maladie virale ?
Le rôle des agents viraux dans la survenue des maladies neuropsychiatriques suscite bien des questions. Certes, les facteurs génétiques semblent être au premier plan dans la schizophrénie, mais certaines études épidémiologiques suggèrent que des facteurs environnementaux seraient également en cause. La recherche s'est en fait focalisée sur l'exposition aux infections durant la grossesse et le risque de schizophrénie au sein de la progéniture.
Peu de travaux ont été consacrés aux conséquences potentielles des infections de l'enfance dans la pathogénie ou l'étiologie de cette psychose qui résulterait in fine d'interactions entre facteurs génétiques et environnementaux. Les infections sévères du système nerveux central (SNC) chez l'enfant semblent légèrement augmenter le risque tardif de pychose non affective, telle la schizophrénie (1). Les données de l'expérimentation animale concordent avec cette hypothèse. Chez les souris infectées durant la période néo-natale avec la souche neurotrope du virus de l'influenza A (WSN/33), il apparaît à l'âge adulte une diminution des performances de la mémoire de travail et une disparition de l'inhibition de certaines prépulsions. Une réduction spécifique de l'abondance des transcripts codant pour le gène III Nrg1 a été observée dans le cortex préfrontal chez les animaux présentant les troubles neurologiques précédemment évoqués. Ces effets ont été également détectés chez des animaux présentant une inhibition spéficique du gène Tap 1 (qui entraîne une réduction de l'expression de MHC1) et non chez les animaux témoins de souche sauvage. Ce faisceau d'arguments plaide en faveur de la piste infectieuse dans la survenue des symptômes couramment observés chez les patients atteints d'une schizophrénie tout au moins ceux qui sont génétiquement vulnérables.
Une étude de cohorte prospective de type cas-témoins réalisée en Israel apporte sa contribution au débat. Elle a reposé sur un registre national, en l'occurrence le National Psychiatric Hospitalization Registryqui a permis de rassembler les dossiers de:
1) 3 599 sujets hospitalisés en raison d'une méningite ou d'une autre infection du SNC avant l'âge de 16 ans;
2) de 6 371 témoins hospitalisés du fait d'une gastro-entérite pendant l'enfance. Les deux groupes ont été suivis entre 1970 et 2007.
Les sujets hospitalisés pour une infection du SNC avant 16 ans n'ont pas été plus souvent hospitalisés pour une schizophrénie au cours du suivi comparativement aux témoins (Hazard ratio ajusté [HRa]=0,81 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 0,5 à 1,32). Cependant, une analyse post-hoc montre que dans le sous-groupe de patients ayant été hospitalisés pour une infection du SNC entre l'âge de 2 et 5 ans, le risque d'hospitalisation pour schizophrénie est nettement augmenté (HRa=4,35 ; (IC95 de 1,2 à 15,84) selon le modèle de Cox. Il importe d'examiner cette hypothèse dans le cadre d'autres études longitudinales. En attendant, rien ne permet d'affirmer l'existence d'un lien de causalité entre les infections du SNC chez l'enfant et le risque ultérieur de schizophrénie notamment à l'âge adulte.
22nd European College of Neuropsychopharmacology (Istambul, Turquie) : 12-16 septembre 2009
Cognition chez les schizophrènes : entre perception et réalité
Les troubles cognitifs sont fréquents chez les schizophrènes et leur méconnaissance habituelle peut représenter un obstacle aux thérapies cognitives. Chez 30 patients présentant une schizophrénie ou un trouble schizo-affectif, aucune corrélation n'a été mise en évidence entre l'auto-évaluation des fonctions cognitives et les performances lors du bilan neuropsychologique, confirmant la subjectivité de la perception du dysfonctionnement cognitif. Mais les sujets qui ressentaient une importante altération de leurs fonctions cognitives, indépendamment de sa sévérité objective, étaient significativement plus enclins à participer aux programmes de réhabilitation cognitive.
Galletly CA et coll. : Insight and cognition in schizophrenia. American Psychiatric Association 161st meeting (Washington) : 3-8 Mai 2008.
Comprendre l'étiologie de la schizophrénie
Paradoxalement, plus les recherches avancent et moins la physiopathologie de la schizophrénie s'éclaire... Nous savons, note l'éditorialiste de l' American Journal of Psychiatry, que cette affection a une composante génétique, et que son principal facteur de risque réside dans le fait d'avoir un parent au premier degré (first-degree relative) également atteint.Mais cependant, la plupart des personnes schizophrènes n'ont aucun proche touché par cette même pathologie. Autre paradoxe : alors que la contribution globale des gènes à la schizophrénie semble « importante», celle de gènes particuliers ( specific genes) demeure en pratique « très modeste» ! Dans la plupart des cas, la schizophrénie apparaît comme le résultat final d'une interaction complexe entre « des milliers de gènes» et de « multiples facteurs de risque» dans l'environnement. Mais force est de constater qu'aucun d'entre eux ne suffit, pris isolément, à provoquer cette maladie.Les conceptions actuelles privilégient une « perspective neuro-développementale» de la schizophrénie, même si la complexité du sujet ne permet pas encore de dégager des vues précises. Mais on s'accorde pour penser que pour mieux comprendre et traiter cette psychose, quelles que soient les approches (pharmacologiques ou cognitivo-comportementalistes), les progrès essentiels devront s'appuyer sur une meilleure connaissance du fonctionnement cérébral, notamment en matière de neuro-développement dès l'enfance.Cette dimension encore méconnue devrait permettre d'éclaircir certaines questions, éventuellement prometteuses d'applications thérapeutiques. À quels moments des anomalies dans le « câblage» fonctionnel du cerveau ( brain wiring) interviennent-elles ? Quelles sont les périodes-clefs de transition dans ce développement cérébral ? Comment agissent les facteurs de risques liés à l'environnement et aux gènes pour altérer les trajectoires physiologiques du neuro-développement ? Peut-on modifier ces trajectoires de développement, durant les périodes de plasticité accrue ?...Gilmore JH : Understanding what causes schizophrenia : a developmental perspective. Am J Psychiatry 2010 ; 167 : 8-10.