top of page

ALCOOLODEPENDANCE

TABAC

Alcoolisme et tabagisme : un seul mécanisme pour deux addictions

Quel lien entre ces deux dépendances largement répandues et si souvent associées - celles au tabac et à l'alcool - ? Un neurologue et une pharmacologue nous apportent depuis la Californie un nouvel éclairage sur les mécanismes à la base de cette co-addiction avec peut-être une piste pour la résoudre.La prévalence du tabagisme chez les personnes souffrant de problèmes d'alcool est élevée, estimée entre 88 et 96 %. L'usage combiné des deux substances semble rendre plus difficile le sevrage à l'une des deux. Alors même que les pharmacothérapies du tabagisme, efficaces à court terme, résultent en de faibles taux d'abstinence à long terme.Toutes les substances addictives ont en commun d'agir sur le circuit cérébral de la récompense. Elles activent en particulier l'aire tegmentale ventrale, qui reçoit l'information sur le niveau de satisfaction des besoins fondamentaux, et communique au noyau accumbens via la dopamine. Ce circuit dopaminergique repère les actions intéressantes, que l'organisme cherchera à reproduire à l'avenir.Lors de travaux antérieurs les scientifiques ont démontré le rôle majeur de la protéine kinase C epsilon (PKC?) dans les réponses comportementales à l'alcool. Ils ont observé que l'auto-administration d'alcool et son action sur le système de récompense sont diminuées chez les souris Prkce?/?, knock-out pour le gène de la PKC?; les animaux présentant aussi une sensibilité accrue à l'aversion à l'alcool.Ils testent ici, dans le même modèle murin, l'hypothèse de l'implication de la PKC? dans la réponse à la nicotine.Les tests pharmacologiques incluent l'auto-administration volontaire de nicotine, mise à la disposition des animaux, et le niveau de satisfaction procuré par le toxique. Par PCR quantitative, les scientifiques mesurent dans le striatum et l'aire ventrale du mésencéphale l'ARNm des sous-unités alpha et beta des récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine, cibles des médicaments actuels du sevrage tabagique. La libération de dopamine au niveau du noyau accumbens est quantifiée par voltamétrie cyclique ex vivo.Par rapport aux souris sauvages, les souris mutées consomment moins de nicotine et ne développent pas de préférence pour le toxique, de façon similaire aux résultats obtenus pour l'alcool. Ces réponses à la nicotine sont associées à une diminution de la modulation cholinergique des signaux de récompense, médiée par les sous-unités alpha6 des récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine au niveau du noyau accumbens, région jouant un rôle clé dans l'addiction.Pour les auteurs, l'inhibition de la PKC? pourrait donc constituer une stratégie pour traiter la double dépendance tabac et alcool.

06/12/11

(JIM)

Dominique Monnier

Lee AM, Messing RO : Protein kinase C epsilon modulates nicotine consumption and dopamine reward signals in the nucleus accumbens. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011; 108: 16080-5. doi:10.1073/pnas.1106277108

Alcoolisme chez les parents, dépression chez la fille...

L'apparentement au premier degré à un alcoolique est souvent associée à de l'anxiété ou de la dépression (et plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes), ce n'est pas un scoop..., mais ce qui est cependant clairement mis en évidence dans cette étude réalisée par Delphine Raucher-Chéné (CHU de Reims) sur 69 femmes apparentées au premier degré à un(e) alcoolique comparées à 68 femmes témoins, c'est la réalité du risque d'agoraphobie (p = 0,03) et de dépression majeure (p = 0,002) ; la fréquence des épisodes dépressifs étant significativement corrélée aux nombres de sujets alcooliques dans la famille (p < 0,01). Quant à connaître l'importance de la génétique dans ces troubles ainsi que dans les troubles de personnalité fréquemment associés...

Raucher-Chéné D et coll. : Depression and anxiety in women first-degree relatives of patients with alcohol dependence.

10th World Congress of Biological Psychiatry (Prague) : 29 mai-2 juin 2011. Dr Dominique-Jean Bouilliez (23/08/2011)

L'exposition in utero au tabac et à la cocaïne laisse des traces à l'adolescence, selon l'imagerie cérébrale

L'exposition prénatale à la cocaïne entraîne des troubles du comportement dans l'enfance et une diminution de volume de la matière grise et des structures sous corticales. Cette drogue provoque des perturbations de la circulation vasculaire cérébrale. Ses effets sont néanmoins difficiles à étudier en raison de l'usage concomitant d'autres substances, surtout du tabac. La nicotine provoque elle-même une diminution de volume et de densité dans plusieurs aires cérébrales. Bien que les altérations de la substance grise soient les plus fréquemment rapportées dans les troubles du comportement, le circuit fronto-strial est également impliqué. Peu de données sont disponibles sur l'effet de la cocaïne et du tabac sur l'intégrité de la substance blanche. L'IRM avec technique d'imagerie du tenseur de diffusion permet de mesurer le déplacement des molécules d'eau au sein des différentes structures en évaluant la position, l'orientation et l'anisotropie des faisceaux.Une équipe de Providence (USA) a recruté de façon prospective deux groupes de 20 adolescents dont les mères avaient été suivies pendant la grossesse : un premier dont l'exposition à la cocaïne avant la naissance avait été confirmée par l'examen du méconium et un second groupe contrôle, non exposé, apparié au premier pour tous les paramètres pouvant interférer. Aucun des adolescents n'avait été exposé aux opiacés ou à la marijuana, ni n'avait d'autisme ou de retard mental. Dans le 1er groupe 15 des 20 adolescents avaient également été exposés au tabac et dans le second 8/20. Ces sujets ont été explorés entre 13 et 15 ans, en imagerie du tenseur de diffusion et évalués par l'échelle de recherche des sensations (Sensation Seeking Scale). L'imagerie de tenseur de diffusion et l'analyse par région d'intérêt ont permis de mesurer 2 paramètres : l'anisotropie fractionnée (AF) et la diffusion moyenne (DM) dans 5 régions du corps calleux.Aucune différence significative n'a été trouvée entre les adolescents exposés à la cocaïne et les non exposés, pour les mesures d'AF et de DM, dans chaque région du corps calleux, bien que le groupe exposé ait montré une tendance (P=0,06) à une anisotropie fractionnée plus élevée dans les projections de l'aire motrice supplémentaire et du cortex prémoteur. L'exposition ante natale au tabac était associée à une diminution de l'anisotropie fractionnée dans les projections des mêmes régions, après ajustement pour les facteurs covariables appropriés (P=0,03). L'AF était en relation avec davantage de recherches de sensations chez ces adolescents.En conclusion, le tabac affecte l'intégrité de la substance blanche, en relation avec la recherche de sensations. Des neurotoxines pourraient être en cause.Liu J et coll. : Impact of prenatal exposure to cocaine and tobacco on diffusion tensor imaging and sensation seeking in adolescents.

09/12/11

(JIM)

Pr Jean-Jacques Baudon

J Pediatr. 2011;159:771

Dans les pays d’Europe occidentale et en Amérique du Nord, on peut considérer qu’approximativement 10% des hommes et 5% des femmes souffrent d’une dépendance à l’alcool selon les critères de l’Association américaine de psychiatrie.La dépendance à l’alcool est définie par la survenue simultanée pour un individu de trois parmi les sept critères suivants:

  1. Tolérance augmentée (tient mieux l’alcool)
  2. Symptômes de sevrage (tremblements, anxiété, sudations, épilepsie à l’arrêt de l’alcool)
  3. Difficultés à contrôler la quantité d’alcool consommé
  4. Préoccupations liées à l’approvisionnement en alcool
  5. Désir persistant et infructueux de diminuer ou d’interrompre la consommation
  6. Répercussions négatives de l’alcool sur les loisirs et la vie sociale
  7. Consommation persistante malgré des problèmes de santé physique ou psychique. 

Consommateurs à risque?

Malgré un intérêt scientifique croissant visant à définir les risques et les bénéfices de l’alcool sur la santé, le seuil à partir duquel la consommation d’alcool engendre un surplus de maladies et d’accidents n’a pas été déterminé avec précision. Une ébauche de consensus semble cependant se dessiner à partir des résultats d’études évaluant le niveau de consommation d’alcool associé à une augmentation de maladies et de décès.

Dans une cohorte de 22000 hommes suivis pendant 11 ans, la mortalité augmentait avec une consommation d’alcool moyenne hebdomadaire supérieure à 14 verres par semaine. L’ensemble des études de ce type convergent pour montrer qu’une consommation supérieure à 14 verres par semaine ou supérieure à 4 verres par occasion chez l’homme, respectivement 7 verres par semaine ou 3 verres par occasion chez la femme est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité.

La consommation à risque est définie selon les critères suivants :

Hommes < 65 ans : > 14 verres par semaine ou > 4 verres par occasion

Femmes et hommes > 65 ans : > 7 verres par semaine ou > 3 verres par occasion

(source des images : Vade mecum d'alcoologie )

Ces complications concernent non seulement les consommateurs à risque mais également les personnes souffrant de dépendance à l’alcool qui, dans leur grande majorité, consomment des quantités d’alcool qui dépassent le seuil définissant la consommation à risque.

La dépendance à l’alcool est-elle une maladie ? 

Oui, c’est une maladie chronique à évolution progressive se présentant par des symptômes tels qu’une envie irrésistible de boire malgré des conséquences fâcheuses sur la vie sociale, affective, professionnelle ou sur la santé. Comme beaucoup d'autres maladies, son évolution est plus ou moins prévisible avec des complications bien décrites dont l’ordre d’apparition est relativement bien défini.

Les facteurs influençant l’évolution de l’alcoolo-dépendance, aussi bien génétiques que liées à l’environnement, commencent également à être mieux connus. La dépendance à l’alcool se transmet-elle génétiquement ? 

Oui. Dans une famille, l'alcoolisme a tendance à se transmettre de génération en génération. Cela s'explique, en partie, par une transmission génétique. Des études en cours visent à identifier les gênes responsables d'une vulnérabilité face à l'alcool. L'entourage et l'environnement d'une personne comme les parents, les amis, l'exposition au stress et la disponibilité plus ou moins grande de l’alcool sont des facteurs qui peuvent influencer la consommation d'alcool et le développement de l'alcoolisme. D'autres facteurs liés à la personnalité et à l’entourage familial peuvent avoir un effet protecteur, même pour une personne présentant un haut risque de développer des problèmes d’alcool. Il ne faut pas pour autant confondre risque et fatalité. Si le risque de développer des problèmes d’alcool est trois fois plus important pour un fils ou une fille d’alcoolo-dépendant, seuls une petite proportion d’entre eux deviennent alcoolo-dépendants (15% des garçons et 5% des filles). A l'inverse, une personne sans aucune histoire familiale d'alcoolisme peut devenir alcoolo-dépendante.

Peut-on guérir de la dépendance à l’alcool ?

Non, pas complètement. Néanmoins, l'alcoolisme est une maladie disposant de traitement favorisant la prévention de la rechute. Aucun traitement de permet cependant de guérir la maladie définitivement. Il est dès lors important pour la grande majorité des alcoolo-dépendants devenus abstinents, même après des années, d'éviter toute consommation d’alcool.

Y a-t-il des médicaments pour lutter contre la dépendance à l’alcool ?

Oui. Deux classes de médicaments sont prescrits dans le traitement de l'alcoolisme. Les premiers sont des calmants de la classe des benzodiazépines comme le Valium® et le Seresta® qui sont utilisés pendant le temps du sevrage physique pour diminuer ou éviter les symptômes qui peuvent se développer à l’arrêt de l’alcool tels que tremblements, sudations, palpitations, épilepsie et delirium tremens. La deuxième catégorie de médicaments aident à être abstinent en diminuant l'envie de boire: acamprosate (AOTAL®) et naltrexone (REVIA®).

Prescrits conjointement à un suivi médical, social et psychologique adapté, ces médicaments agissent de manière à diminuer l'envie de boire et constituent une protection contre la rechute.

Un médicament plus ancien, l'ESPERAL®, prévient la consommation d’alcool par un effet de dissuasion. La prise d’alcool chez un patient traité par ESPERAL® provoque en effet un malaise sévère associant nausées, vomissements, palpitations et rougeur intense du visage. Le syndrome alcool-ESPERAL peut parfois, chez des personnes dont la santé est précaire, être à l’origine de complications sévères nécessitant une hospitalisation. L’efficacité de l’ESPERAL est fortement controversée dans la littérature et ce médicament n’est pas dénué d’effets secondaires, parfois sérieux. Dès lors, l’ESPERAL ne devrait être prescrit qu’en dernier recours et chez des patients qui le désirent.

La dépendance à l’alcool peut-elle être traitée ?

Les traitements contre l'alcoolisme sont efficaces.Approximativement 30 à 50% des personnes traitées sont abstinentes un an plus tard. On considère en général que la rechute fait partie de l’évolution normale du traitement et que seuls plusieurs traitements, parfois sur des années, seront nécessaires pour obtenir une rémission complète. Le soutien de la part des proches est important pour contribuer à aider la personne alcoolo-dépendante à s'en sortir. 

Sommes-nous égaux face au risque d’avoir des problèmes d’alcool ?

Non, alors que 90% des adultes boivent de l’alcool, environ une personne sur dix en est dépendante. Il existe également une différence entre hommes et femmes, puisque les hommes sont trois fois plus touchés par les problèmes d’alcool que les femmes. Il existe également un risque génétique et environnemental, puisqu’un fils ou une fille de père ou de mère alcoolo-dépendant a trois fois plus de chance d’être alcoolo-dépendant que les enfants de parents sans problèmes d’alcool.

Les individus souffrant de maladie psychiatrique comme la dépression, la psychose maniaco-dépressive et la schizophrénie ont également un risque augmenté par rapport à l’alcool, de même que les individus dépendants de drogues, de médicaments ou de tabac.

Est ce que je peux simplement réduire ma consommation d’alcool au lieu de la cesser complètement ? 

Cela dépend. Si vous remplissez ou avez rempli les critères de dépendance à l’alcool la réponse à cette question est probablement non. Certaines études montrent que des alcoolo-dépendants qui tentent de réduire leur consommation ne réussissent pas à le faire sur de longues périodes. D’autres études montrent que parmi les alcoolo-dépendants qui sont devenus abstinents, seule une faible proportion des individus vont pouvoir revenir à une consommation modérée.

Un arrêt total de l'alcool, en tout cas momentané, est donc fortement conseillé pour optimiser les chances de s'en sortir. Si vous n'êtes pas alcoolo-dépendant mais avez des problèmes liés à l'alcool, vous pourrez peut être modérer votre consommation sans la stopper complètement. Si toutefois vous n'y arrivez pas, un arrêt complet de la consommation sera probablement nécessaire. 

Si un alcoolo-dépendant refuse de se faire aider, y a-t-il tout de même un moyen pour l'en convaincre ? 

Oui, mais cela n’est pas toujours facile. On ne peut obliger un alcoolo-dépendant à se faire traiter, sauf dans certaines situations de crises, si il y a un problème médical aigu et sérieux impliquant les proches ou la justice. Une crise dans laquelle l'alcool à son rôle à jouer peut constituer une opportunité de prise de conscience de la gravité de la situation et de ce fait être un moment opportun pour accepter de se faire aider.

Les professionnels de la santé spécialisés dans les problèmes d’alcool donnent certains conseils dont chacun peut s’inspirer lorsqu’il s’agit d'aider la personne alcoolo-dépendante à entreprendre un traitement.

bottom of page